Points Lunaires
Exposition dans les locaux de Caramba - Paris 2021
Trahir la nuit, défier ses lois en allant chercher la lumière là où elle n’a pas droit de cité : le travail de Julien Samani possède cette
subversion propre à la photographie nocturne. Mais son geste est
d'autant plus singulier qu'il détourne les attentes émotionnelles
associées à la nuit. Là où le crépuscule signale à coup sûr un point de bascule dans la torpeur ou dans l’inconnu, les clichés de
l’exposition Points Lunaires dessinent au contraire une forme étrange
de quotidienneté. Ils ne renoncent pas à l’éternelle énigme que porte
la nuit, mais rendent cette énigme curieusement rassurante, à force
de traces de vie semées partout, au bord d’un dock ou à la suite
d’une mobylette élancée sur une route de campagne. C’est une vie
de tous les jours qu’on aurait changée en vie de toutes les nuits.
Cet équilibre-là peut évoquer le cinéma, ses nuits américaines, ses cieux artificiels et ses promesses de récit. Mais si les photographies
de Julien Samani empruntent à son travail de cinéaste, c'est parce
qu'elles prolongent ce moment préliminaire où un film plante son décor : l’œil se déplace à travers un territoire, relie des points
cardinaux, lunaires peut-être, plongés dans une obscurité qui, d’une
image l’autre, devient déchiffrable.
Comme s’il s’agissait de rendre
lisible une cartographie nocturne, de baliser des lieux éteints pour
les changer en repères familiers et emmener alors le spectateur dans
une nuit devenue intime.
Yal Sadat est critique aux Cahiers du cinéma et auteur de Bill Murray - Commencez sans
moi (Capricci)